"Cru" - Luvan

Voici un petit recueil de nouvelles fort intriguant. D'abord un titre qui en dit peu, ensuite une auteure que je ne connais pas et pour terminer une quatrième de couverture inexistante. Que vais-je donc lire? Un recueil de nouvelles, c'est tout ce que je sais. Mais n'ayant peur de rien, je me suis lancé dans l'aventure pour en ressortir avec un grand plaisir de lecture.


++ Mon avis ++

Onze nouvelles, voilà ce que contient ce recueil. N'ayant pas de quatrième de couverture on en sait pas plus. Bon, à ce niveau là, en librairie, soit vous êtes curieux et vous foncer, soit vous avez le temps et vous capter quelques phrases pour voir si le livre  vous tente, soit vous papillonner et l'absence de quatrième de couverture vous rebute et vous rejeter le livre aux oubliettes. Dans un contexte de guerre de place de représentationsur les tables de librairie, ce choix d'absence totale de présentation du livre et de l'auteur est un pari risqué. Soit il rebutera face à l'inconnu, soit il intriguera les curieux. Ceci dit, ce recueil, de par son écriture et clairement un livre pour curieux.

Luvan était donc un auteur que je ne connaissais pas. Du personnage, on ne sait que peu de choses : elle vit actuellement en Belgique. Du moins, c'est ce que son site web révèle. On apprend également qu'en plus d'être auteure, elle contribue  à des pièces de théâtres et des feuilletons radiophoniques. De son côté, Noosfere n'est guère plus disert. Bref, peu de choses sur l'auteur. Mais moi, ça m'intrigue...

Alors je me lance dans le récit de "Cru". 
Éparpillé, décousu, déroutant et innovant. L'écriture de Luvan offre un voyage tout en perspective de creux et d'espaces ouverts, de trous où l'imaginaire va se déployer. Décrivant en peu de mots, Luvan va jusqu'à laisser ses phrases ouvertes, sans fin, voir sans commencement. Et à nous de remplir ces creux, de laisser notre esprit combler ces creux et déployant notre imaginaire et dégustant la poésie de sa prose à la rythmique particulière.

"Je me rappelle le dernier souffle de Liv.
La morphine terreuse
Ses lèvres sont rêches. Les miennes trop souples. Sa peau est grise. La mienne trop ocre. Ses mains sont osseuses. Les miennes trop pleines, gourmandes. Penchée sur elle comme un vautour, j'ai peur de la dévorer par mégarde. Ses yeux me cherchent. Pupilles mornes et billes de sable. Je la cherche dans ses yeux mais
Sa paume rêche
Je la pose sur ma chair. Sous mon pull. Sur son sein. Regard effaré de l'infirmière
Les corneilles dans le parc
Crient
Une aide-soignante d'origine pakistanaise chantonne
Au fond, quelque part, au fond du couloir, dans cet espace vide. Trop loin. Inaccessible. L'espace vie où se terre Tilo. envie de la faire taire, de fermer la porte, de partir avec Liv
Bruit de succion des semelles en caoutchouc sur le linoleum
Et le le jour est gris Un voile. Et mes yeux creusés n'existent plus qu'en tant que trous / puits / forage
Et Liv passe de LIV à MASQUE. De ELLE à RIEN." (p.43, in "Le pacte")

L'univers de Luvan est fantastique. Sombre et se déployant des atmosphères froides et nordiques Le bestiaire invoqué est clairement primitif, même si les choses ou les êtres sont peu nommés, on sent la force de la nature en action, la peur immémoriale prendre corps. L'atmosphère créé par Luvan subjugue et fascine par son côté étrange tout autant que sa plume déstabilise et ravit par sa poésie. Bien sur, fantastique oblige, le ton est résolument sombre. Ses récits sont également fort centrés sur les ressentis des personnages et leur vécu touchant ici et là à l'amour, au mal-être, à l'absence, à la folie, etc.

"Selma ressasse. Quand on a beaucoup de souvenirs, on les sédimente. On ressasse les plus récents ou les plus légers, en haut du tas, et on laisse les autres, les plus anciens, les plus lourds, fermenter dans l'amertume. Et se dissoudre. Selma a la mémoire trop neuve. Elle ne sécrète pas d'amertume en quantité suffisante. Alors elle ressasse les choses lourdes." (p.119, in "Le Rapt")

Et la fin d'un récit de Luvan est rarement une fin  arrêté, plutôt une porte ouverte vers l'étrange, l’indécis, ou quelque chose d'indescriptible surement déstabilisant, telle une histoire sans fin.

Pas facile d'approche donc mais résolument intéressant, "Cru" est un ouvrage qui vaut le détour. "Cru" demandera de la disponibilité, et un temps d'adaptation, car le livre, malgré sa taille, se lit lentement pour s'imprégner des gens, des lieux, des atmosphères, de l'étrangeté et de ce qui n'est que suggéré. Véritable expérience de lecture, déroutante et envoûtante, "Cru" se révèlera être un très bon recueil de nouvelles pour peu que l'on rentre dans l'univers de Luvan. Un livre dont on garde surtout le goût du phrasé et des atmosphère tant les histoires semblent se diluer dans le brouillard de l'obscure.

"Cru" - Luvan "Cru" - Luvan Reviewed by Julien le Naufragé on mardi, janvier 28, 2014 Rating: 5

8 commentaires:

  1. J'ai un peu les mêmes impressions de mon côté, j'ai été charmée par l'écriture même si je suis loin d'avoir tout compris à ce que j'ai lu xD

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  2. Il faut que je lise ce recueil, ne serait-ce que parce que j’ai eu la chance de rencontrer, lors d’une dédicace, son auteur, très sympathique !

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  3. Même avis que toi, on en retient des atmosphères, comme sur le brise-glace, ou une fuite dans la neige !

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  4. Tout le monde se met d'accord sur ce recueil, va falloir que je le lise :p

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  5. Il fait partie de mes prochaines lectures, surement prévu pour février du coup... Les avis se rejoignent en tout cas, et typique le genre de bouquin à mes yeux qui doit impérativement être lu pour bien cerner de quoi causent les autres tant ça a l'air d'être étrange...

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  6. @ Vert : J'ai aussi souvenir d'un texte où je ne suis pas certain d'avoir compris la chute...

    @ Escrocgriffe : Lis-le, c'est un bon livre !

    @ Lune : un livre d'atmosphères mais aussi d'un phrasé travaillé.

    @ Tiger Lilly : Tente l'aventure.

    @ Raven : A lire car c'est tout autant un livre d'atmosphère, de style que d'histoire. Etrange ouvrage que ce livre de l'étrange. Un bon livre.

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  7. je suis passée totalement à côté, ça ne me touche pas, j'ai impression de lire un texte écrit par une schizophrène

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    1. Comme quoi les goûts de chacun peuvent être forts différents.

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